Franck Lorrain : du pré aux planches

Franck Lorrain est comédien mais aussi ancien joueur de rugby. Du ballon ovale à la scène, portrait d’un artiste dont la carrière a été transformée avec succès.

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“Fiston, être acteur c’est pas un métier, c’est une aventure”. Attablé dans un café du 18ème arrondissement où nous l’avons retrouvé, Franck Lorrain sourit en se remémorant ces mots que lui avait assénés Pierre Mondy, son partenaire dans la pièce Six heures plus tardCela fait maintenant 23 ans que le quadragénaire vit cette aventure. Pourtant au départ, ce ne sont pas les planches qui l’attirent mais les terrains de rugby.

Il commence à pratiquer ce sport à 13 ans avant d’intégrer la section Sports-Études au lycée Lakanal{{1}} de Sceaux. Son objectif : devenir joueur de haut niveau. Mais à la vingtaine, un périple, seul, de 800 km à pieds est l’occasion pour lui de réfléchir à son avenir. L’artiste précise : “J’ai mis 28 jours pour faire Paris-Biarritz. Chaque soir, je cherchais le gîte et le couvert. Cette expérience a changé ma perception des choses”.

Au retour, sa décision est prise : il veut être comédien. Le rugby devient alors un loisir qu’il pratique le dimanche avec ses copains du Paris Université Club (PUC) ou du Club Sportif du Ministère des Finances (CSMF) notamment.

Sa carrière démarre par des petits rôles et par de la figuration. A 20 ans, il obtient le statut d’intermittent du spectacle. Puis selon la volonté de ses parents, il intègre l’école du Studio d’Asnière et ensuite, le Conservatoire du 14ème.

Un premier rôle au cinéma… dans un navet

En 2004, il décroche un rôle titre dans Croisière, de Natacha Cagnard. De l’aveu même du comédien, ce film n’est pas à inscrire dans les annales. “C’était une catastrophe. Finalement, j’ai très peu tourné au cinéma et la seule véritable fois où ça m’est arrivé, c’était dans un four”, admet-il dans un grand éclat de rire.

En regardant sa filmographie de plus près, on s’aperçoit qu’en effet, ce n’est pas avec le septième art qu’il s’est fait une place dans le métier. Côté télé, il incarne des personnages secondaires dans des séries comme Avocats et Associés, Central Nuit ou Joséphine, ange gardien. Au théâtre, il joue dans une trentaine de pièces aussi bien classiques comme Tout est bien qui finit bien de Shakespeare (2002 et 2011), que contemporaines tel Le Cabaret de l’austérité de Zohar Wexler (2014).

Une simple rencontre pour lancer une carrière

Au début des années 2000, il participe régulièrement à des lectures théâtrales à Radio France. Au hasard d’un enregistrement, il croise une comédienne qui va changer le cour de sa carrière : “J’ai rencontré Christèle Wurmser qui connaissait ce que je faisais à la radio. Elle m’a demandé mon CV. Je ne voyais pas trop où elle voulait en venir mais six mois plus tard, elle m’a rappelé. En fait, elle était directrice de plateau{{2}} ”.

Grâce à cette rencontre, Franck Lorrain intègre le monde très fermé du doublage. Une activité qui devient rapidement, pour lui, une source d’épanouissement malgré l’importante maîtrise qu’elle demande. “Si on n’arrive pas à s’affranchir de cela, c’est un vrai handicap”, détaille-t-il avant d’ajouter, “Mais une fois qu’on connaît parfaitement la technique, c’est super pour jouer parce qu’on se met dans les marques du comédien qu’on voit jouer à l’écran. Moi, j’adore. D’autant plus quand on double souvent la même personne”.

Parmi les têtes d’affiche, le comédien a plusieurs fois prêté sa voix à Ryan Gosling, Gael García Bernal ou Ryan Reynolds {{3}}. A la télévision, il a doublé pas mal de seconds rôles dans des séries comme Skins ou Ray Donovan. Depuis 2015, il est la voix de George Blagden (Louis XIV) dans Versailles. Très prochainement, on pourra l’entendre dans la nouvelle série S.W.A.T. diffusée sur TF1.

Aujourd’hui, le doublage est devenu sa principale occupation. Fiction, dessins animés, jeux vidéos, publicités : aucun genre n’échappe à sa voix. Mais la reconnaissance que peuvent procurer le théâtre ou le cinéma lui manque : “Doubler est une activité très ludique mais en même temps, on est toujours derrière, dans le noir. Or quand tu veux être comédien, tu veux aussi être dans la lumière”.

Du doublage à la production en passant par le rugby

Un retour sous les projecteurs qu’il a pu effectuer grâce à la réalisation de documentaires autour…du rugby avec Hastayan, le pays imaginaire (2010) et Pierre Rabadan : nouveau départ (2015){{4}} . Un troisième film est en cours de réalisation sur la pratique du rugby dans les bas quartiers d’Antananarivo, à Madagascar. Sa passion pour ce sport lui reste donc chevillée au corps. En 2014, elle l’a même poussé à créer un club avec des amis rencontrés en Sports-Études, le Paris XO Rugby, dont il est aujourd’hui co-dirigeant.

Depuis 2016, Franck Lorrain a ajouté une autre corde à son arc grâce à la production. Avec deux associés dont l’actrice Caroline Proust, il a créé la société Frozen Frogs spécialisée dans les courts métrages, les documentaires et les webséries. Son objectif maintenant : produire ses propres films. “Grâce à la production et à la réalisation, j’y trouve mon compte parce que je suis de nouveau acteur de projets”, conclut-il. Son aventure a donc encore de beaux jours devant elle.

Claire Mouzac

[[1]]Créé en 1973, il s’agit d’un des dix meilleurs centres de formation d’excellence de la Fédération Française de Rugby.
[[2]]Personne en charge de « caster » les comédiens pour le doublage d’une fiction.
[[3]]Ryan Gosling dans Drive (2011) et The Big Short : le casse du siècle (2015) ; Gael Garcia Bernal dans Rudo y Cursi (2008) et Même la pluie (2010) ; Ryan Reynolds dans Sécurité rapprochée (2012), RIPD : Brigade fantôme (2013) et Life : Origine inconnue (2017).
[[4]]Produits par Symphonia Film et disponibles sur Vimeo.

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